Joséphine Baker

Quarante-six ans après sa mort, le cercueil de Joséphine Baker est entré au Panthéon. Eglise à l'origine, le Panthéon est devenu un monument laïque à la Révolution, dédié à ses « grands hommes » par la Patrie reconnaissante.

Depuis quelques années, on reconnaît que ces grands hommes sont souvent des femmes.

Joséphine Baker est donc la sixième femme admise au Saint des Saints. Avant elle, Sylvie Berthelot y est entré en 1907 avec son mari. Leurs enfants ont exigé qu'elle y repose près de leur père, mort quelques heures après elle.

Marie Curie y est transférée avec son mari Pierre en 1995, bien longtemps après la mort de l'un et de l'autre.

Il faut attendre 2014 pour qu'une femme seule entre au Panthéon : Germaine Tillion. Ethnologue, résistante, survivante de la déportation.

En 2015, un peu de terre du cimetière représente le corps de Geneviève de Gaulle-Anthonioz qui repose toujours auprès de son mari, selon le vœu de ses enfants. Résistante avec Germaine Tillion, rescapée comme elle du camp de Ravensbruck, présidente pendant trente ans d'ATD quart Monde.

Simone Weil, rescapée d'Auschwitz, ministre, députée, qui fait passer la loi pour l'avortement, femme politique considérable entre au Panthéon en 2018, un an à peine après sa mort.

Et aujourd'hui, Joséphine Baker, meneuse de revues, chanteuse, résistante, mère adoptive de douze enfants venus du monde entier, sixième femme et première Noire à entrer au Panthéon.

Son nom et son cercueil y sont entrés, mais ses cendres reposent toujours à Monaco, selon le désir de ses enfants. Car ils doivent beaucoup à ce petit pays et surtout à la princesse Grace, Grace Kelly, la jolie actrice américaine devenue par la grâce du mariage, princesse monégasque, comme Joséphine, l'Américaine est devenue française.

Grace et Joséphine se sont rencontrées en 1951, dans un restaurant new-yorkais où l'on refusait de servir la chanteuse internationalement connue, parce qu'elle était noire. Refus qui, aux Etats-Unis à l'époque est juste normal, mais qui ne l'est pas aux yeux des deux femmes, habituées d'un autre monde où règne la mixité. La petite fille d'esclave est devenue une star en Europe, et elle ne se laisse pas faire, suscitant l'admiration et même l'affection de la jeune actrice pas encore transformée en princesse.

Cette amitié ne se démentira jamais, et quand à la fin des années 1960, la star déchue sera mise à la porte de chez elle par les huissiers avec ses douze enfants, la princesse Grace convaincra le petit royaume de Monaco de venir en aide à l'ex grande dame et à ses enfants. C'est donc sur « le Rocher » que les Baker  trouveront asile et amitié.

Joséphine est toujours un « monstre sacré, et bien que la mode des paillettes soit passée et qu'elle ait fêté ses soixante ans et fait depuis longtemps ses adieux au public, Joséphine reprend ses tournées.

Elle meurt, à 68 ans, le 12 avril 1975, quelques heures après avoir salué son public enthousiaste sur la scène de Bobino.

Grace est là, au dernier moment, elle lui tient la main, y laisse couler une larme.

Un grandiose hommage est rendu à Joséphine trois jours après sa mort par le peuple parisien, ce petit peuple qui a tenté de lui éviter la ruine.

Très nombreux sont ceux qui ont répondu à l'appel de Brigitte Bardot, une gamine de 20 ans, que sa silhouette, ses cheveux fous et ses robes à carreaux avaient propulsée tout en haut du hit-parade. Brigitte a donné 1 million de francs anciens pour celle qu'on appelait « la mère courage », et les auditeurs de la radio ont envoyé qui 10 francs, qui 100 francs, mais ce n'était pas assez pour combler les énormes dettes que la trop grande dame avait contractées.

ll fallait un royaume pour la sauver. Ce fut celui de Monaco où régnait la petite princesse Grace et son prince Rainier.

Ce sont de véritables obsèques nationales qui se sont déroulées à Paris en ce jour d'avril, mais c'est dans le petit cimetière marin de Monaco que Joséphine a été enterrée quatre jours plus tard, au frais du roi.

Et c'est là que ses enfants, par reconnaissance pour le pays qui les a accueillis, ont choisi qu'elle repose.

Aujourd'hui, en 2022, la mode des paillettes est revenue, et la reconnaissance de la France à la Vénus noire, croix de guerre et super-mère est officielle.

Mais qui était vraiment Joséphine Baker ?

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